Le nom « Macaire » signifie « bienheureux ».
Chamelier de Haute-Egypte, il se retira à 30 ans, dans le désert de Scété où il mourut en 390, après 60 ans de vie érémitique.
Père du désert, il fut disciple de Saint Antoine le Grand qui est considéré comme le fondateur de l’érémitisme chrétien.
Surnommé « le jeune vieillard », Saint Macaire se distinguait par sa sainteté précoce qui attirait beaucoup d’anachorètes.
Ses écrits, dont l’oeuvre capitale sont ses homélies spirituelles, rayonnent d’une beauté ineffable et comportent un enseignement très dense et édifiant.
En voici quelques extraits ( « LES HOMÉLIES SPIRITUELLES DE SAINT MACAIRE », (Abbaye de Bellefontaine, 1984 ) :
« Le feu permet d ‘allumer et de faire brûler un grand nombre de lampes, et toutes tiennent leur lumière et leur éclat d’une unique nature. De même, les chrétiens reçoivent le feu qui les fait briller d’une unique nature, celle du Feu divin, du Fils de Dieu, et ils ont des lampes allumées dans leurs coeurs et brillent devant lui dès cette terre, comme lui-meme l’a fait ». (p. 323).
« Le cultivateur jette partout sa semence, et celui qui plante une vigne veut qu’elle porte toute entière du fruit. Et quand il prend la serpette, s’il n’y trouve rien à recolter, il s’attriste. De même, le Seigneur veut que sa parole soit semée dans les coeurs des hommes. Et comme le cultivateur qui s’attriste sur un champs improductif, il s’afflige davant un coeur entièrement vide qui ne porte pas de fruit ». (p. 294).
« Ceux qui veulent accomplir avec exactitude leur vie chrétienne doivent avant tout apporter tous leurs soins, avec une grande énergie, à la faculté d’intelligence et de discernement qui est dans l’âme. En effet, c’est en acquérant un exact discernement du bien et du mal, et en distinguant toujours de la nature en sa pureté les passions contraires à la nature, que nous mènerons une vie droite et sans détours ». (p. 106)
« La sagesse infinie et incompréhensible de Dieu réalise de façons variées et d’une manière incompréhensible et insaisissable les économies de la grâce envers le genre humain, afin de mettre à l’épreuve le libre arbitre et de manifester ceux qui l’aiment de tout leur coeur et supportent pour Dieu tous les dangers et toutes les peines ». (p. 276).
Voici une analyse lucide de l’oeuvre de Saint Macaire. Elle est faite par un autre saint, le père Justin POPOVITCH (1894-1979), un nouveau Père de l’Église, dans la conclusion de son livre : « LES VOIES DE LA CONNAISSANCE DE DIEU », ( L’Age d’Homme, 1998) :
« Analysant les données psychologiques et gnoséologiques de la personnalité humaine, saint Macaire l’Egyptien montre que l’homme, avec sa nature, sa structure et son activité psycho-physique, surpasse les limites du monde matériel, surpasse les limites du temps et de l’espace.
Cette infinitude de la personnalité humaine inclut en elle-même deux potentialités : celle du progrès vers le bien, – mais aussi celle du progrès vers le mal – car le même homme peut s’y accroître sans mesure. Non seulement l’aide et la grâce de Dieu sont indispensables à l’homme à tous les stades du développement de sa personnalité et de sa connaissance, mais c’est la présence même de Dieu qui est exigée, car il est devenu un homme et il a assumé notre chair, réalisant ainsi dans sa réalité un exemple parfait de la personnalité parfaite, avec une connaissance qui est réellement d’une perfection infinie.
L’analyse ascétique et psychologique qu’il fait de la personnalité humaine conduit saint Macaire à démontrer que le Dieu-homme, le Christ, est pour l’homme la Personne indispensable. Tel que nous l’avons exposé, l’enseignement de notre Saint conduit à la conclusion qu’il n’est pas possible de parvenir à la solution de ce mystérieux problème que nous posent la personnalité et la connaissance de la personnalité humaine autrement que par une union selon la grâce avec la Vérité tri-Hypostatique, c’est-à-dire avec le Dieu trinitaire. Depuis ce commencement énigmatique jusqu’à son aboutissement non moins mystérieux, la personnalité se dirige vers la Divinité trinitaire.
Comme elle s’est décomposée à cause du péché et qu’elle s’est précipitée dans la terreur souterraine du mal, cette personnalité qui avait été créée à l’image de Dieu souffre et gémit. En merveilleux connaisseur de la nature humaine qu’il est, saint Macaire découvre qu’à tous les stades du péché, la personnalité humaine est fondamentalement théocentrique et christocentrique, et qu’elle ne saurait trouver sa signification et sa plénitude que dans une union avec notre Sauveur, le Dieu-homme, le Christ.
Pour autant, le contenu et le mode de cette union sont de caractère spirituel, et elle ne peut être obtenue que par la libre collaboration de l’homme avec la grâce de l’Esprit saint ; sans donc rien présenter en commun avec l’enseignement panthéiste des stoïciens.
Nous l’avons vu, l’union de l’âme humaine avec le Christ est le fruit, selon l’enseignement de saint Macaire, de l’action du saint Esprit, dont sont privés tant les stiïciens, mais aussi tous ces coryphées parmi les philosophes « du dehors », que furent Platon, Socrate et Aristote. Pour une union dans la grâce, la Personnalité historique du Dieu-homme, le Christ, est indispensable, comme la collaboration active du saint Esprit et de Dieu le Père, mais aussi la libre participation de l’homme.
L’enseignement que délivre saint Macaire concernant la personne humaine et sa connaissance est par conséquent un enseignement tout entier chrétien et mystique, c’est-à-dire un enseignement plein de grâce. Son enseignement sur la personne humaine d’avant la chute n’est rien d’autre qu’un commentaire profondément mystique et une justification des antropologies de Moïse et de l’apôtre Paul.
Son amartiologie se fonde sur l’amartiologie de Paul. Son enseignement sur le péché des ancêtres est identique à celui de saint Athanase et de Saint Grégoire de Nysse. (1)
Son enseignement sur le renouvellement de l’homme en Christ et sur la synergie entre la grâce et la libre volonté de l’homme présente un caractère purement ecclésiastique. En particulier, comme Barsov le souligne, cet enseignement présente une importance « classique », car coïncide pleinement avec l’enseignement sur la grâce de l’Église orthodoxe d’Orient. (2)
Saint Macaire trace un tableau si vivant et si réaliste de la psychologie de l’homme, qui est dominé par le péché et que la grâce fait renaître, il en propose une analyse si complète et si détaillée que Barskov a pu proclamer qu’il a été le premier psychologue chrétien. (3)
L’enseignement qu’il donne sur la divinisation de la personnnalité humaine est substantiellement le même que l’enseignemeent des autres Pères, même s’il est plus individuel parce que plus vécu et plus personnel. Le contenu de son enseignement sur la divinisation dépend de l’enseignement antérieur sur le même point des apôtres Pierre et Paul. Il en a créé d’ailleur la terminologie en accord avec la conception du Nouveau Testament sur la restauration et le salut de la personne. Il faut chercher la justification de l’emploie d’une telle terminologie dans le fait qu’à cette époque l’Église n’avait pas encore déterminé dans ses concils oecuméniques une terminologie corrigée.
Son enseignement sur la connaissance dépend organiquement de son enseignement sur la personne. Ses écrits fournissent une justification mystique de l’affirmation principale de la gnoséologie chrétienne, c’est-à-dire que c’est bien l’union selon la grâce avec la Vérité qui assure la connaissance de la vérité, car cette connaissance est le fruit d’une renaissance de la personne par la grâce. La croissance et le progrès de la connaissance sont toujours proportionnels à la croissance et au progrès de la sainteté. Le saint connaît parfaitement la Vérité, le Christ : qui a moins de sainteté le connaît moins, et qui a très peu de sainteté le connaît très peu.
On admettra qu’il ne faut pas rechercher dans l’enseignement de saint Macaire un système dogmatique entier, car il se fonde sur son expérience personnelle, son enseignement reste cependant « entièrement ecclésiastique » (4), c’est l’enseignement d’un « enfant fidèle à l’église » (5). Ses opinions dogmatiques embrassent substantiellement les principes fondamentaux de l’Église orthodoxe d ‘Orient à cette époque, et sous ce rapport, il rappelle les hommes qui ont été inspirés par le même esprit, tels que saint Jean Chrysostome (6). Les chrétiens orthodoxes et les moines ont été formés des siècles durant en accord avec cet enseignement, et cette tradition spirituelle est présente jusqu’à nos jours dans l’Orthodoxie entière.
S’il fallait que nous donnions un bref résumé de l’enseignement de saint Macaire, nous ne pourrions mieux faire que de le caractériser comme un empirisme mystique chrétien, comme un hésycasme plein de grâce. Sa gnoséologie est bien celle du Nouveau Testament, elle est biblique, et c’est en cela que consiste la différence qui la distigue des gnoséologies extérieures au christianisme, qui sont fondamentalement humaines.
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Par l’usage qu’en fait notre mystique chrétien, l’empirisme plein de grâce comme méthode de connaissance permet à l’homme d’acquérir la justification mystique du dogme du Dieu trinitaire, tri-hypostatique, et de ce fait même, la justification mystique de la personne humaine. C’est une belle justification qu’avait acquise le « philosophe de l’Esprit saint », le « dieu terrestre » ( 7), comme on appelait saint Macaire, lui qui montrait et démontrait par sa sainte personne la vérité centrale de son enseignement, selon lequel dans l’âme purifiée, « la sainte Trinité vient résider ».
(1) Cf. J. STIGLMAYR, op. Cit., p. 68.
(2) Очерки из истории христианской проповеди, (Essai sur l’histoire de la prédication) « Вера и разум » (« Foi et Raison »), p. 740, Cf. P .S. KAZANSKY, Святий Макарий Египетскиj, (Saint Macaire d’Egypte), pp. 125-146. S. ZARIN, op. Cit., II, p. 392.
(3) Ibid., p. 678.
(4) J. POPOV, Мистическое оправдание аскетизма в творениях преп. Макари Египетскаго (La justification mystique de l’ascétisme dans les œuvres de saint Macaire l’Egyptien), p. 553.
(5) N. BARSOV, op. Cit., p. 744.
(6)TH. FÖRSTER, Makarius von Aegypten, p. 445. Cf. p. 489. Cf. A. BRONZOV, Преподоний Макарий Египатский (Le bienheureux Macaire d’Egypte), (1899),
(7) Cf. Apophtegmes 32 (PG, 253 B) : « On dit d’abba Macaire le Grand qu’il était devenu, comme il est écrit, un dieu sur la terre. »
